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Yves Veyrier était l’invité du “petit déjeuner politique”

Yves Veyrier était l’invité du “petit déjeuner politique” de Benjamin Glaise et Judith Beller

Yves Veyrier, secrétaire général du syndicat Force Ouvrière, s’inquiète pour cette Rentrée 2020 qui s’annonce inédite à de nombreux titres. « Tout doit être mis en œuvre pour éviter cette catastrophe aussi économique et sociale en particulier », estime-t-il. « On est confrontés à deux angoisses pour les salariés : celle de la santé, le risque sanitaire, le risque du Covid, notamment dans le contexte de la reprise du travail; et puis celle de l’emploi et celle du salaire. »

Ces inquiétudes, légitimes, peuvent avoir des conséquences à plus long terme : « il ne faut pas opposer les salaires à la relance économique », souligne le secrétaire général de Force Ouvrière car la consommation, premier moteur de l’économie française, pourrait ne pas reprendre ce qui empêcherait « la dynamique nécessaire à une reprise de l’activité ».

« Il y a un effet d’aubaine, on l’a bien vu, y compris dans les grands secteurs »
La crise économique, sans surprise, est généralisée. « Il y a peu de secteurs qui ne nous inquiètent pas. » Les plans de suppressions d’emplois se sont succédés, notamment dans l’aéronautique ou l’automobile, mais « il y a tous ceux dont on ne parle pas ». Les petites et très petites entreprises sont également touchées par la crise et pourraient licencier voire fermer. « Souvent, on a un peu le sentiment que la crise sanitaire est un peu l’aubaine pour mettre en place une restructuration qui vise plutôt une rentabilité actionnariale ou financière », déplore Yves Veyrier.

« Il y a un effet d’aubaine, on l’a bien vu, y compris dans les grands secteurs » comme pour Air France où il y a un indéniable impact de la baisse voire l’arrêt total des vols, mais où il y a aussi « une restructuration sur le marché domestique ». Le secrétaire de FO prend également en exemple l’enseigne André qui a subi « des opérations actionnariales ou financières, ou une mauvaise gestion, qui ont impacté les dispositions qui ont été prises et qui ont conduit à la fermeture d’un certain nombre de magasins ».

Le halo du chômage « a beaucoup augmenté »
Parmi les informations étonnantes de cette crise du Covid-19 est celle de la baisse du chômage : il a atteint, au sens du Bureau International du Travail (BIT), 7,1%, le niveau le plus bas depuis 37 ans, alors que le gouvernement s’attend à une explosion du nombre de chômeurs en France en 2020. Yves Veyrier tient à souligner la différence qui existe dans les chiffres du chômage qui peuvent être publiés : « la question est toujours la mesure du taux de chômage », explique-t-il soulignant que la mesure Insee, soit celle du BIT, ne « mesure pas de la même façon » le chômage qui ne correspond en réalité pas au « nombre d’inscrits à Pôle emploi ».

Il rappelle que la mesure du BIT présente le taux de chômage mais également « le halo du chômage, c’est-à-dire tous ceux qui ne rentrent pas dans les critères précis de la définition du chômage pour le BIT mais tous ceux qui sont malgré tout en situation d’être population active mais ne travaillent pas pour une raison ou pour une autre ». C’est cette part du chômage, ce halo, qui a « beaucoup augmenté ».

«Aux entreprises de prendre en charge le coût du masque»
La crise du Covid-19 prenant de l’ampleur en France, le gouvernement tient, mardi 25 août 2020, un nouveau Conseil de défense présidé par Emmanuel Macron à l’Élysée avec, entre autres sujets, le port du masque à l’école et dans les entreprises. Yves Veyrier ne commente pas l’obligation du port du masque en entreprise estimant que « chacun doit prendre ses responsabilités » et précisant qu’il est « syndicaliste » et non « épidémiologiste ni médecin ». Pour lui, c’est de la « responsabilité » des pouvoirs publics de « prescrire précisément les dispositions de Santé publique qui doivent être mises en oeuvre » et c’est aux employeurs « d’assumer et d’assurer la mise en œuvre de ces dispositions ».

Quant aux organisations syndicales et aux représentants du personnel, ils doivent contrôler « la mise en œuvre effective » et les « impacts sur l’organisation du travail ». « Si le port du masque doit être quasi-permanent dans l’entreprise, selon les environnements et selon les fonctions qu’on occupe, il peut y avoir besoin d’organiser le travail avec des séquences de pause. »

Par ailleurs, il appelle à une formation des employés et des représentants des employés au port du masque : « il y a des informations importantes en termes de manipulation » du masque dont l’utilisation, en réalité, est un geste technique. « Tout ça va poser la question de la prise en charge » du masque. « De notre point de vue, c’est soit aux pouvoirs publics, au titre d’une politique de Santé publique, soit aux entreprises de prendre en charge le coût du masque. »

Des dérogations au port du masque en discussion

Le protocole sanitaire que devront appliquer salariés et entreprises à la rentrée reste flou, d’autant plus que la ministre du Travail, Élisabeth Borne, a déjà annoncé que des dérogations pourraient être accordées. Le secrétaire général de Force Ouvrière, ne se prononce pas : « si je discutais de dérogations, cela voudrait dire que moi je sais que dans telle situation on n’a pas besoin de porter le masque, or ça n’est pas ma spécialité ».

Il y a des licenciements « pour des fautes plus ou moins réelles »
Pour l’instant, les masques sont annoncés comme étant à la charge de l’employeur, un surcoût pour les entreprises dont certains se plaignent. « J’estime que c’est à l’entreprise de prendre en charge la mise à disposition des masques pour les salariés. » Ce surcoût est réel, mais « on est confrontés à un enjeu majeur sur le plan sanitaire qui a des conséquences majeures sur le plan économique », souligne Yves Veyrier qui espère, bien évidemment, « que tout va être mis en oeuvre » et que « d’ici deux ans maximum, le plus court sera le mieux, on sera venus à bout de cette épidémie ».

Or, le port du masque obligatoire est « une politique qui accélère le fait qu’on dépasse la crise sanitaire », ce qui est « gagnant d’un point de vue général » et peut donc justifier que les pouvoirs publics et les entreprises en prennent en charge le coût. « Si on commence à mégoter là-dessus… Ensuite, il y a un problème de responsabilité : que se passe-t-il si le salarié n’a pas de masque, a oublié son masque dans l’entreprise? »

Par ailleurs, le secrétaire de Force Ouvrière souligne la multiplication des « licenciements individuels » pour lesquels il appelle à un « contrôle strict » de la part des autorités. Les aides de l’État, « on a le sentiment que parfois ça va aider à la mise en œuvre d’une prime de départ »; sans compter les licenciements « pour des fautes plus ou moins réelles ».

«Il est important qu’on régule le télétravail»
Le confinement du Printemps 2020 a permis à de nombreux Français de découvrir le télétravail pour la première fois, une mesure de distanciation sociale que le gouvernement appelle à implémenter à nouveau dans les entreprises qui le peuvent. Pour autant, Yves Veyrier estime que la France est restée « sur un accord qui date de plusieurs années maintenant, 2005, et qui mérite d’être mis à niveau ».

S’il y a des entreprises où de bons accords ont été mis en place pour encadrer le télétravail, ils restent minoritaires et surtout présents dans des entreprises « plutôt portées au télétravail ». « Et on sait très bien que les situations ne sont pas égales », notamment en termes de confort et d’habitation. « Nous pensons qu’il est important qu’on régule le télétravail. Et, encore une fois, le télétravail ça n’est pas la disponibilité du salarié 7j/7 h24. » Droit à la déconnexion, protection de la vie privée, interdiction d’un contrôle permanent…

Force Ouvrière a lancé un travail avec les employeurs sur les conséquences et les expériences du télétravail durant le confinement : « j’espère qu’on va les convaincre et qu’on puisse négocier un accord cadre au niveau national interprofessionnel qui prévoit les dispositions sur lesquelles ensuite on pourra négocier de manière plus précise au niveau des branches ou des entreprises ».

«Faire revenir un projet qui a donné lieu à un conflit social majeur entraînerait à nouveau un conflit social majeur»
La Rentrée 2020 sera également l’occasion, pour le gouvernement, de relancer la réforme des retraites, mise en pause mais pas abandonnée. « J’espère qu’elle ne va pas revenir du tout, ni très rapidement ni même lentement. » En particulier parce que ce n’est pas la préoccupation majeure des salariés. « Faire revenir un projet qui a donné lieu à un conflit social majeur entraînerait à nouveau un conflit social majeur; et notre détermination sur la raison de nous opposer à ce projet demeure intacte », prévient le secrétaire général de Force Ouvrière.

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