Les grandes dames du syndicalisme mondial
Les grandes dames du syndicalisme mondial
Si les plus importantes figures du féminisme et du mouvement révolutionnaire sont désormais bien connues, ce n’est pas encore le cas, hélas, pour les femmes syndicalistes. Coup de projecteur en quelques portraits sur des pionnières qui ont lutté pour les droits des travailleurs.
RABIATOU SERAH DIALLO (née le 31 décembre 1949)
Cette Guinéenne peule née dans une famille de paysans est la première femme devenue dirigeante d’une centrale syndicale en Afrique noire. Secrétaire d’administration puis greffière de justice, elle entre à la CNTG (Confédération nationale des travailleurs de Guinée) dès 1969. La Guinée est à part dans le monde des anciennes colonies françaises d’Afrique noire. C’est le seul pays à avoir dit non à de Gaulle en 1959 et à avoir autoproclamé son indépendance sans attendre l’aval de Paris. En 1985, elle est élue secrétaire de la Fédération de la justice de la CNTG et entre donc d’office au Bureau exécutif. En 2000, elle est élue secrétaire générale de sa centrale, une première sur ce continent. C’est sous ses mandatures que le syndicat va s’implanter dans le secteur de l’économie informelle, très important dans ces pays du tiers-monde. Un secteur (textile, alimentation…) où les femmes sont très présentes. Elle va organiser les premières grèves générales du pays en 2006 et 2007. Après de terribles violences politiques en 2009, elle est nommée en février 2010 présidente du Conseil national de transition, chargé d’organiser la transition démocratique et de préparer les premières élections présidentielles libres. Elle a aussi été vice-présidente de l’Organisation de l’unité syndicale africaine, la branche syndicale de l’OUA. Combattante infatigable et très écoutée, elle est depuis 2018 présidente du Conseil économique et social de Guinée
EMMA MASHININI (1929-2017)
Cette militante sud-africaine résume à elle seule la double oppression vécue dans son pays : oppression de la minorité blanche sur le prolétariat noir et oppression en tant que femme.
Celle qu’on appelait affectueusement « Tiny la géante » est entrée à l’ANC (Congrès national africain) de Nelson Mandela dès 1956, à la fondation de ce mouvement de libération. Ouvrière du textile, elle adhère la même année à l’Union nationale des travailleurs de l’habillement, dont elle devient rapidement déléguée syndicale dans son usine de Johannesburg. Elle sera membre de la direction de ce syndicat pendant douze ans, obtenant la semaine de 40 heures dans ce secteur.
En 1975, elle fonde le Syndicat sud-africain du commerce, de la restauration et assimilés. Son militantisme syndical et anti-apartheid lui vaut une arrestation musclée en novembre 1981 et six mois à l’isolement pour « terrorisme » à la prison centrale de Pretoria. Quatre ans plus tard, elle participe à la fondation du Congrès des syndicats sud-africains et s’y bat pour obtenir l’intégration des femmes dans la direction. À la chute de l’apartheid en 1995-1996, elle est nommée par Mandela à la commission « Vérité et réconciliation » qui évitera la guerre civile dans le pays. En 1989, elle a publié son autobiographie : Les grèves m’ont suivie toute ma vie.
SARAH BAGLEY (1806-1889)
Née à Candia dans le New Hampshire, aux États-Unis, dans une famille de paysans, elle devient tisseuse dans une usine de coton en 1831. En 1840, elle publie un pamphlet, Les plaisirs de la vie en usine, et cinq ans plus tard fonde la FLRA (Association pour la réforme du travail féminin) à Lowell, dans le Massachusetts. Ces prémices de syndicat regroupent rapidement 600 adhérentes dans six villes de la côte Est. Elles militent pour l’amélioration des conditions de travail des femmes dans les usines de textile et la journée de 10 heures. En effet, à l’époque la journée était de 14 heures. Elles obtiennent les 11 heures en 1853 mais devront attendre 1874 pour obtenir les 10 heures. La FLRA publie son propre journal, La Voix de l’industrie. Sarah Bagley était aussi une militante pacifiste qui a dénoncé fermement la guerre américano-mexicaine de 1846-1848, dont Hollywood fera une épopée à la gloire des colons texans, grands massacreurs de peones mexicains et d’Indiens. Elle fut certainement la première femme syndicaliste dans une république américaine naissante où la condition du tout jeune prolétariat était particulièrement difficile.