Ségur de la Santé : les mesures salariales proposées restent très insuffisantes
Le ministre de la Santé a annoncé le report de la clôture du Ségur prévue le 3 juillet et le renvoi à des dates ultérieures, mais non fixées, des dernières réunions de négociations prévues dans ce cadre. Un remaniement ministériel imminent pourrait être à l’origine de ces modifications. Quoi qu’il en soit, pour l’instant, les mesures proposées par le gouvernement pour améliorer les salaires des personnels de santé sont très en deçà des revendications exprimées par les syndicats, dont FO, depuis le 25 mai au Ségur et dernièrement, les 16 et 30 juin dans la rue.
Certes le ministre de la Santé, Olivier Véran, est revenu à la table des négociations du Ségur de la Santé le 1er juillet, avec 400 millions d’euros supplémentaires. Le montant de l’enveloppe globale pour l’instant proposée par le gouvernement pour l’amélioration des salaires des personnels non médicaux est donc de 6,4 milliards d’euros. A la regarder de loin, cette enveloppe, sur laquelle le gouvernement se plaît à communiquer, pourrait sembler conséquente. Mais, à observer plus en détail son contenu, l’agenda de mise en application de certaines mesures et surtout ce qu’implique concrètement le montant de cette enveloppe au plan de la revalorisation salariale des personnels… Il est clair que les 6,4 milliards d’euros sont largement en deçà du montant qui serait nécessaire pour répondre aux revendications des agents. Mercredi 1er juillet, la séance de négociation -qui s’est étirée de 15 heures à deux heures du matin-, entre les syndicats et le ministre de la Santé n’a donc pas permis de progresser vers un accord.
La nouvelle réunion de négociation prévue ce jour, 2 juillet, a été annulée, celle prévue demain, vendredi 3 juillet qui devait marquer la clôture du Ségur vient d’être annulée elle aussi. Ces bouleversements dans l’agenda renvoient à la possibilité imminente d’un remaniement ministériel souligne Didier Birig, le secrétaire général de la fédération FO des personnels publics et des personnels de Santé, FO-SPSS. Ce 2 juillet, en fin d’après-midi, le ministère de la Santé faisait savoir que les réunions de négociations sont décalées
et que «de nouvelles dates» seront proposées aux syndicats.
Autant dire que l’établissement rapide d’un protocole d’accord et sa signature au 15 juillet ainsi que le visait initialement le comité de pilotage du Ségur présidée par Nicole Notat, est remis en cause. Et même si un protocole avait pu être établi d’ici la semaine prochaine, les organisations, dont FO bien sûr, doivent disposer de temps pour consulter leurs instances et donc se prononcer sur un texte. Si la date du 15 juillet pour une hypothétique signature apparaissait déjà comme peu probable, elle l’est d’autant plus suite aux annulations de réunions.
Pour FO : 6,4 milliards d’euros, ça le fait pas!
Bref, en ce début juillet, s’ajoute une période de flottement à ce Ségur qui piétinait déjà du fait de l’insuffisance des moyens budgétaires que le gouvernement a proposé, jusqu’à présent, pour les salaires des personnels de santé.
Didier Birig ne mâche pas ses mots : une enveloppe de 6,4 milliards d’euros, ça ne va pas le faire!
. Et tous les syndicats participant à ce Ségur (qui a débuté le 25 mai) expriment la même irritation vis-à-vis de l’attitude du gouvernement. Tout le monde est très mécontent. Si le gouvernement en reste à ses propositions, il compromet un accord
souligne le secrétaire général de FO-SPSS.
Alors que les organisations, notamment FO revendiquent une revalorisation salariale de 300 euros net pour tous les personnels, le gouvernement affiche des propositions articulées en plusieurs volets mais très inférieures à la demande des personnels.
Il propose ainsi qu’une partie de l’enveloppe, soit 3,3 milliards d’euros (en année pleine, donc pour 2020 il s’agit plutôt de 1,65 milliard d’euros…) aille à l’augmentation générale des salaires. En comptant les 998 000 personnels concernés du secteur public (dans les hôpitaux et Ehpad) et les 500 000 salariés des services de santé privée, cela signifie une augmentation de 50 euros pour tous
explique Didier Birig. C’est six fois moins que le montant revendiqué…
Au cours de la négociation, les organisations ont consenti à revoir la revendication et ont demandé 250 euros net pour tous et avec un effet rétroactif au 1er juillet. Pour l’instant le gouvernement n’a pas répondu.
L’exaspération face à des propositions insuffisantes
Le ministre, Olivier Véran propose aussi une indemnité supplémentaire qui serait spécifique au personnel soignant et dont le coût budgétaire est estimé à 1,7 milliard. Pour l’intégration des aides-soignants à la grille indiciaire de catégorie B (au lieu de C) et l’intégration des infirmiers à la grille A type (pour ceux encore en catégorie B), le gouvernement évalue le coût budgétaire de ces changements à deux milliards d’euros. Mais il ne compte pas mettre en œuvre ces mesures avant…. 2022.
Le ministre a présenté aussi pour les personnels hospitaliers, un système d’intéressement collectif et individuel ainsi qu’un mécanisme de bonus. Tous les syndicats ont demandé le retrait de ces mesures
indique pour FO Didier Birig. Les personnels des hôpitaux, insiste le militant, exigent la reconnaissance de leur travail par de vraies mesures salariales et non via des systèmes calqués sur les méthodes des entreprises privées
. Des méthodes usant de mesures salariales individuelles pour contraindre à davantage de productivité, par exemple.
Avec, entre autres, la proposition de 50 euros seulement d’augmentation et la revalorisation catégorielle renvoyée, elle, en quelque sorte aux calendes grecques, c’est à croire
, appuie Didier Birig, que le gouvernement n’entend toujours pas la colère, l’exaspération des personnels
. Eux qui ont mené, en vain, avant l’épidémie, plus d’un an d’actions de revendications pour obtenir des moyens pour les hôpitaux et de meilleurs salaires. Eux qui, depuis mars et en prenant chaque jour des risques pour leur propre santé, ont été en première ligne pendant la crise sanitaire. Eux à qui l’exécutif n’a cessé depuis de tresser des couronnes et en promettant de mettre fin à la paupérisation
des salaires.
A titre d’exemples…
Quand il/elle entre dans la fonction publique hospitalière, un(e) infirmièr (e) de soins généraux 1er grade (titulaire d’un diplôme d’État, trois ans de formation après le bac, deux ans à ajouter en cas de spécialisation) perçoit 1827,55 euros brut par mois (indice brut 444, indice majoré 390). Il lui faudra huit années avant d’atteindre un salaire de 2000 euros.
Un ou une aide-soignant (e), perçoit 1541,70 euros brut par mois (indice brut 353, indice majoré 329) en début de carrière. Après 25 ans de carrière, le salaire de cet agent n’atteindra même pas 2000 euros brut. Un aide-soignant est titulaire d’un diplôme d’État après un an de formation. Niveau requis à l’entrée en formation : CAP ou BEP mais de plus en plus de bacheliers et même d’anciens élèves d’écoles d’infirmiers)
VALÉRIE FORGERONT, JOURNALISTE L’INFO MILITANTE