Sécurité locale : les dix recommandations des sénateurs
Avant l’examen de la contestée proposition de loi « sécurité globale » au palais du Luxembourg, la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat a présenté, jeudi 28 janvier, son rapport d’information sur « l’ancrage territorial de la sécurité intérieure » accompagné d’une dizaine de recommandations. Rémy Pointereau (Cher, Les Républicains) et Corinne Féret (Calvados, Parti socialiste), ses auteurs, proposent, par exemple, d’associer les élus locaux à la mise en œuvre de la nouvelle répartition police-gendarmerie.
Au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, les sénateurs Rémy Pointereau (Cher, Les Républicains) et Corinne Féret (Calvados, Parti socialiste) ont, dévoilé, jeudi 28 janvier à la presse, leurs « dix recommandations tendant à mieux ancrer les forces de sécurité dans les territoires ». Certaines font écho à la proposition de loi « sécurité globale » dont l’examen est prévu dans les prochaines semaines au Sénat.
Des « réserves » sur l’élargissement des compétences des policiers municipaux
Une série de mesures du texte, porté par les députés de la majorité Alice Thourot (Drôme) et Jean-Michel Fauvergue (Seine-et-Marne), ont trait, en effet, aux prérogatives ou au fonctionnement des polices municipales. L’article 1er de la proposition de loi « sécurité globale » par exemple, prévoit d’expérimenter « l’élargissement de leur domaine d’intervention sur la voie publique » dans les communes « employant au moins vingt agents de police municipale (ou gardes-champêtres) dont au moins un directeur ou un chef de service de police municipale ». Pour une durée de trois ans à partir du 30 juin 2021 au plus tard, les policiers municipaux de ces communes volontaires (200 à 300, espère le ministère de l’Intérieur) pourraient ainsi constater par procès-verbal certains délits (vente à la sauvette, conduite sans permis ou sans assurance, consommation de stupéfiants…), immobiliser des véhicules ou saisir des objets.
Favorables au principe de l’expérimentation locale (notamment ici pour lutter contre le trafic de stupéfiants), les sénateurs expriment toutefois leurs « réserves » sur la création de cette « compétence partagée » entre les polices municipales et les forces de sécurité intérieures. « La police municipale doit demeurer une police de la tranquillité publique et une police de proximité. Elle n’a pas, a priori, vocation à exercer des missions aujourd’hui délaissées par les forces régaliennes de sécurité », écrivent Rémy Pointereau et Corinne Féret, pour qui, par ailleurs, l’extension de la compétence de la police municipale pourrait « être perçue par certains élus locaux comme une forme de désengagement de l’État ».
« Ce texte ne prévoit aucun désengagement d’aucun des acteurs, tentait de rassurer Gérald Darmanin, auditionné par la commission des lois du Sénat le 12 janvier. Il n’y aura pas de compétences données à la police municipale à la place de la police nationale. Il y a une ligne claire : oui pour le constat des délits, oui pour des compétences judiciaires, mais non aux actes d’enquête. Il ne s’agit pas de créer un FBI d’un côté et une police locale de l’autre mais de garder notre spécificité française. »
« L’importance des conventions de coordination »
Dans leur quatrième proposition, les sénateurs saluent « l’importance des conventions de coordination » entre la police municipale et les forces de sécurité nationales. Ils rappellent d’ailleurs aux maires qu’une telle convention de coordination « peut également être conclue, à leur demande, lorsqu’un service de police municipale compte moins de trois emplois d’agent de police municipale (art L. 512-4 du CSI) ». Elles pourraient s’avérer utiles pour fluidifier l’accès direct aux données du Système national des permis de conduire (SNPC) et du Système d’immatriculation des véhicules (SIV), auquel ont droit les agents de police municipale depuis le 1er juillet 2019. Les représentants de l’AMF et de l’APVF ont, en effet, regretté des difficultés d’accès à ces fichiers.
Une répartition police-gendarmerie en fonction des bassins de vie et de délinquance ?
Les sénateurs préconisent, de surcroît, une « nouvelle répartition police-gendarmerie » basée sur les bassins de vie et de délinquance, et non sur « le seul critère démographique » (Ils évoquent, dans le même esprit, l’hypothèse qui viserait à rendre la gendarmerie compétente dans les zones urbaines sensibles). Dans le Livre blanc de la sécurité intérieure, paru en novembre 2020, le gouvernement proposait qu’en dessous de 30 000 habitants, le territoire soit de la compétence de la gendarmerie, qu’entre 30 000 et 40 000 habitants, ce soit la force la mieux adaptée aux caractéristiques du territoire qui soit compétente et qu’au-dessus de 40 000 habitants, la compétence revienne à la police nationale. Afin de réaliser « un travail de dentelle », les rapporteurs jugent « indispensable » de « mener cette réforme en étroite concertation, en amont et en aval, avec les associations d’élus locaux »
Un interlocuteur unique avec la police
Car de l’aveu de tous les acteurs, l’organisation territoriale actuelle de la police nationale « n’est pas de nature à favoriser les contacts avec les élus locaux ». Pour tenter « d’améliorer l’efficacité de la gouvernance territoriale au bénéfice d’une stratégie de sécurité unique adaptée au territoire », le ministère de l’Intérieur a lancé, le 1er janvier 2020, une réforme expérimentale de l’organisation déconcentrée de la police nationale dans trois collectivités ultra-marines, à savoir Mayotte, la Guyane et la Nouvelle-Calédonie, avec l’institution d’une Direction territoriale de la police nationale (DTPN). Il en est de même, depuis le 1er janvier 2021, dans le Pas-de-Calais, les Pyrénées-Orientales et la Savoie.
« Il conviendra d’assurer le suivi de cette expérimentation et d’en mesurer les enjeux pour les collectivités avant d’envisager une généralisation à tous les départements », estiment les sénateurs. Cette expérimentation devra, selon eux, répondre à une question essentielle : « La réorganisation conduite par le ministère va-t-elle faciliter les échanges avec les élus locaux en créant un interlocuteur unique disposant d’une vision « décloisonnée » sur les enjeux de sécurité locale ? »
« Pas de communication systématique » des fiches S aux maires
Au-delà de la relation entre les élus et la police, « l’ancrage territorial de la sécurité, gage d’efficacité, passe (enfin) par le développement des échanges d’informations au sein de tous les « co-producteurs » du service public de la sécurité ». Les sénateurs insistent, par exemple, sur le rôle majeur que jouent « la communication au sein du couple maire-préfet » et les conseils de sécurité et de prévention de la délinquance pour garantir la sécurité dans les territoires.
En revanche, Rémy Pointereau et Corinne Féret émettent des « réserves » quant à « la communication systématique aux maires des fiches S ». Ils lui préfèrent « la communication aux élus des seuls profils des personnes dont les maires ont la responsabilité directe ou indirecte, par exemple pour attirer leur attention sur le profil d’un employé municipal présentant un risque de radicalisation ».
Ludovic GALTIER, maire-info.com