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Masques : une obligation à géométrie variable

Les masques, un temps déconseillés, un autre préconisés, et même obligatoires, sont le symbole le plus évident de la crise sanitaire. Après avoir cristallisé les combats de première ligne, les voici plus ou moins en perte de vitesse au point d’être surproduits en France.

Pas nécessaires, voire inutiles, au début de la pandémie, les masques ont pris de l’ampleur avant de connaître une diminution de voilure ces derniers temps. Leur nombre dans la rue a diminué au fur et à mesure de l’augmentation des températures, l’inconfort thermique jouant. Il n’en reste pas moins qu’ils sont toujours obligatoires dans bien des cas et fortement préconisés dans d’autres tandis que les changements de cap officiels à leur sujet n’ont pas manqué d’engendrer une certaine confusion.

Une obligation de premier plan

Avec le démarrage de la phase trois du plan de déconfinement le 15 juin et le passage de l’ensemble de la France en zone verte, les restrictions ont été progressivement levées, mais le masque est resté obligatoire dans nombre de situations.

Il l’est notamment dans les transports en commun, dont les taxis et les VTC (chauffeurs et passagers), sur tout le territoire pour toutes personnes à partir de onze ans, les contrevenants s’exposant à une amende de 135 euros. Idem dans les restaurants non seulement pour le personnel mais aussi pour les clients quand ils circulent dans l’établissement. Quant aux commerces, ils sont libres d’imposer ou non son port aux clients dans leurs espaces de vente.

Dans les écoles et collèges, le port du masque sera obligatoire dès le 22 juin à défaut d’une distanciation d’un mètre. Un enseignant peut ainsi s’adresser aux élèves sans masque s’il se trouve à au moins à un mètre d’eux. Dans les écoles maternelles, le port de masque est à proscrire.

Les surplus de la guerre sanitaire

Avec de telles obligations, des quantités considérables de masques se devaient d’être disponibles, d’autant que le nombre d’utilisations est limitée, les modèles FPP et chirurgicaux étant même à usage unique. Quant aux masques en tissu, ils ne doivent pas être portés plus de 4 heures, seuls les FFP atteignant jusqu’à 8 heures d’affilée. De plus, le ministère de la Santé a recommandé de changer de masque dès qu’il a été enlevé, par exemple pour boire ou manger. Si les masques en tissu sont lavables (à 60°C pendant 30 minutes), il n’est possible de le faire que de cinq à vingt fois selon les modèles.

Après un temps de pénurie, certains modèles de masques se trouvent aujourd’hui en surplus. Ce qui est le cas des textiles, dont 40 millions, made in France n’auraient pas trouvé preneur, selon l’Union des industries textiles (UIT), qui indique que, suite au changement d’orientation gouvernemental fin avril, la production hexagonale est passée de 50.000 unités par jour à 3 millions ou 4 millions. Début mai, en Alsace, un atelier de fabrication de masques en microfibres avait même été installé dans des locaux vacants d’un équipementier automobile en plan de sauvegarde de l’emploi.

Début juin, une bonneterie de l’Aube, dont un masque a été porté par le chef de l’État lui-même le 5 mai, déplorait un surplus de quelque 600.000 masques. On parle d’un chiffre qui n’est pas tout à fait finalisé, mais qui va être entre 20 et 30 millions de stocks de masques a indiqué un acteur du secteur textile français, à qui le gouvernement avait confié la mission de consolider la production de masques en tissus dans l’Hexagone, au plus fort de la crise sanitaire. Selon lui, 400 entreprises françaises restaient mobilisées début juin, sur le sujet des masques alors qu’au plus fort de la crise, jusqu’à 1200 entreprises de la filière textile habillement française fabriquaient plus de 4 millions de masques par jour.

Un plan d’action à venir

On ne peut pas demander à la filière de se mobiliser et la laisser tomber deux mois plus tard, dénonçait le 28 mai un représentant du secteur, indigné par la commande de 10 millions de masques lavables au Vietnam par le ministère de l’Economie. La secrétaire d’État auprès du ministre de l’Economie a minimisé, le 8 juin dernier, ces difficultés, estimant que le nombre d’entreprises confrontées à ces problèmes serait de l’ordre de 10%. Elle a promis toutefois un plan d’action futur et souligné que cette production de masques a sauvé des centaines d’entreprises et des milliers d’emplois en France.

Le cœur masqué de l’entreprise

Le port du masque reste au cœur de l’entreprise. Le protocole de déconfinement du ministère du Travail reste le même a souligné le secrétaire confédéral de FO Frédéric Souillot, le 16 juin. Le port du masque reste obligatoire quand la distanciation n’est pas possible, indique le protocole national de déconfinement pour les entreprises, dans sa version mise à jour au 11 juin.

Le Code du travail est quant à lui clair : l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (article L. 4 121-1) et, quelle que soit l’activité en cause, il doit procéder à une évaluation des risques en tenant compte des modalités concrètes de son activité et de l’état des connaissances scientifiques sur le virus et des conditions de travail et d’exposition des travailleurs (art. R. 4423-1 à 3 et R. 4424-5). Il doit consulter le CSE pour qu’il rende un avis sur la mise à jour par l’employeur du document unique des risques professionnels (DUER), une obligation essentielle dans un contexte de risque sanitaire, a rappelé Karen Gournay, secrétaire confédérale chargée du secteur de la négociation collective et des salaires.

Le patronat lève le masque

Le patronat avait, en début de crise, capitalisé sur la fabrication médiatisée de moyens de protection (gels et maques notamment), mais la chasse aux coûts est revenue au galop. Le Medef a demandé une révision et un allègement des soixante protocoles sanitaires mis en place dans l’urgence pendant le confinement pour les entreprises, responsables selon lui de surcoûts de 10 à 15%. La Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) a, elle aussi, le 18 juin, réclamé la fin des protocoles sanitaires au plus tard le 10 juillet, date prévue de sortie de l’état d’urgence sanitaire, car ils engendrent des coûts importants qui minent la productivité et freinent la reprise d’activité.

Quant aux personnels soignants, masqués mais pas muselés», ils ont, le 16 juin, manifesté avec succès dans toute la France.

Il existe deux catégories de masques : les sanitaires et les non-sanitaires. Dans la première, qui est normée, on trouve les masques chirurgicaux (anti projection, protégeant l’environnement de son porteur) et les masques respiratoires de type FFP1, FFP2 ou FFP3, réservés aux personnels de santé. Equivalents américain et chinois des masques européens FFP2, les N95 et KN95 possèdent des critères de certification qui diffèrent légèrement. Les non-sanitaires sont également de deux types : le masque dit grand public, qui est néanmoins soumis à des spécifications techniques et à l’apposition d’un logo et les… autres : en tissu, en papier, en bonneterie, etc. Ces derniers ne sont soumis à aucun marquage ou logo et ne sont considérés que comme des compléments aux gestes barrières.

Les masques, dès qu’ils sont mouillés ou souillés, doivent être jetés dans une poubelle si possible équipée d’un couvercle et munie d’un sac plastique. Il faut ensuite se laver les mains à l’eau et au savon ou se les désinfecter avec une solution hydro-alcoolique.

Michel Pourcelot, journaliste L’inFO militante

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