Grève des ambulanciers : enfin le statut de soignant, mais sans hausse de traitement
Le ministre de la Santé s’est enfin engagé à reconnaître les ambulanciers comme des soignants et non des agents techniques. Mais malgré leurs nouvelles compétences, aucune revalorisation salariale n’a été prévue. Les ambulanciers étaient donc nombreux à se mobiliser pour la grève du 10 mars.
Après de nombreuses mobilisations en 2021, les ambulanciers de la fonction publique hospitalière sont repartis à l’offensive jeudi 10 mars. Sur l’ensemble du territoire, à l’appel de plusieurs syndicats dont FO, ceux que l’on nomme les premiers maillons de la chaîne du soin ont fait grève pour obtenir une reconnaissance salariale liée à leurs nouvelles compétences. S’ils ont obtenu gain de cause ces derniers mois pour certaines de leurs revendications, le ministère de la Santé reste aux abonnés absents sur le sujet de la revalorisation de leurs traitements.
En effet, après des mois d’âpres négociations pendant lesquelles FO était aux côtés des ambulanciers, le ministre de la Santé, Olivier Véran, s’est prononcé mi-janvier en faveur du passage de ces personnels de la filière ouvrière et technique de l’hôpital public à la filière soignante. Une reconnaissance réclamée de longue date par les ambulanciers, jusqu’alors dénommés « conducteurs » sur leur fiche de poste. On était catégorisé comme des conducteurs de cartons, pas de patients, alors même qu’Olivier Véran a dit haut et fort qu’on était le premier maillon de la chaîne des soins pour aller chercher les patients chez eux, rappelle Stéphane Delaporte, ambulancier au CHU de Rouen (Seine-Maritime) et adhérent FO.
Une avancée en demi-teinte
L’intégration à la filière soignante, qui devrait aboutir en juin 2022 selon l’agence de presse APMnews, met en lumière la profonde utilité de ce métier et, surtout, vient encadrer légalement l’exercice de certains actes de soins que les ambulanciers pratiquaient déjà de fait, comme la prise de tension, la prise de glycémie au doigt ou les toilettes de patients. Cette reconnaissance, c’est bien, accorde Didier Birig, secrétaire général de la fédération FO-SPS (services publics et services de santé). Mais en fin de compte, c’est le seul métier à subir une réingénierie sans avancée financière spécifique en lien avec les nouveaux gestes qu’ils seront amenés à effectuer.
Le militant FO estime que c’est là une erreur politique de la part du gouvernement vis-à-vis de ces agents dont on a besoin tous les jours, d’autant plus que la fonction publique ne compte que 2 800 ambulanciers (l’essentiel de l’activité relevant du privé) : une goutte d’eau dans le budget de l’hôpital. Il y a une forme d’incohérence de la part du gouvernement, estime Christophe Grimault, secrétaire FO à l’hôpital de Niort (Deux-Sèvres). Malgré la réingénierie de leur poste, sans revalorisation salariale, ce n’est qu’une avancée en demi-teinte.
Le patronat privé voit d’un mauvais œil la hausse des salaires
Au moins deux obstacles se dressent entre les ambulanciers et leur demande de juste rémunération. Premièrement, le lobby des transports privés n’a pas vraiment envie qu’il y ait une hausse de salaire dans les transports ambulanciers publics, sinon ils devraient faire de même, explique Christophe Grimault. Les 183 euros nets obtenus pendant le Ségur de la santé posaient déjà problème au privé, confirme Didier Birig. Le secrétaire général regrette que pas un geste n’ait été accordé : Une prime Veil de 90 euros, ça aurait été acceptable pour ces agents.
Deuxièmement, les ambulanciers sont actuellement bloqués en catégorie C de la fonction publique, à laquelle on peut accéder sans avoir le bac, en passant le diplôme d’État d’ambulancier. Ils souhaiteraient donc intégrer la grille de traitement de la catégorie B, comme les aides-soignants par exemple, expose Philippe Vasselin, secrétaire FO de l’hôpital de Rouen, où la grève a été bien suivie.
Pour l’instant, le gouvernement a fermé la porte à cette option, déplore Didier Birig. On le regrette, car Olivier Véran avait pris l’engagement verbal pendant le Ségur de requalifier les ambulanciers en catégorie B. C’est l’un des rares dossiers dans lesquels le ministère n’a pas suivi les engagements du ministre. Comme le demandaient les ambulanciers, la durée de leur formation a été rallongée et de nouveaux modules ajoutés, mais pas suffisamment pour peser dans la balance de cette requalification.
La nécessité de faire reconnaître la pénibilité du travail
Dans ce combat de longue haleine, la vigilance est de tous les instants. Ainsi, Stéphane Delaporte craint que l’obtention d’un permis transport C ou D soit une condition bloquant l’accès au nouveau statut de personnel soignant. Ce sont de petits bataillons dans les hôpitaux, ils ne sont pas très nombreux et leur statut n’est pas simple à défendre, mais ce n’est pas pour ça que FO va renoncer à s’en occuper, promet Christophe Grimault, qui espère une revalorisation en fin d’année validée par la prochaine loi de finances.
Nous n’avons pas à accepter que ce métier soit le seul de la fonction publique hospitalière à ne pas obtenir de revalorisation, appuie Didier Birig. D’autres combats restent à gagner, comme le classement des ambulanciers dans la catégorie active de la CNRACL (Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales) : En étant reconnus comme exerçant un métier pénible, explique Philippe Vasselin, ils pourraient prétendre à un départ à la retraite à 57 ans, au lieu de 62 ans. Ce serait un juste retour pour celles et ceux qui passent leurs journées à porter des patients et à prendre soin d’eux.