1er mai, santé des salariés, action syndicale et engagement syndical…
1er mai, santé des salariés, action syndicale et engagement syndical…
Yves Veyrier était l’invité de l’émission Le Téléphone sonne « 1er mai confiné : quelles luttes sociales pour demain ? » sur France Inter, vendredi 1er mai 2020.
Le Premier mai ?
Yves Veyrier : Le Premier mai, ça n’est pas du folklore ! Ce ne sont pas des chamailleries comme le disait le Président ce matin, ça fait plus d’un siècle que c’est un combat.
C’est vrai qu’en temps normal, le 1er mai est l’occasion d’une manifestation qui permet de rappeler quelles sont les revendications du moment.
Il y a des situations plus exceptionnelles où les syndicats s’associent et je pense que cette année, si nous n’avions pas eu cette crise sanitaire, dans le contexte de la réforme des retraites, il y aurait sans doute eu un 1er mai unitaire des syndicats qui s’opposaient à ce projet de réforme des retraites et qui s’y opposent toujours d’ailleurs.
Le 1er mai, comme la justice sociale, c’est un combat de tous les jours. C’est un engagement syndical, militant, en particulier la journée des travailleurs. C’est une journée de solidarité, ce n’est pas du folklore.
La santé des salariés ?
Bien évidemment ! C’est d’ailleurs, et c’était véritablement une mobilisation de tous instants des syndicats, des délégués, des représentants du personnel.
A la foi, dans les entreprises qui étaient réticentes à s’arrêter alors que l’impératif était celui du confinement et que ces secteurs d’activité n’étaient pas indispensables – et il a fallu parfois peser pour qu’elles acceptent de passer en activité partielle pour que leurs salariés puissent se confiner. Et puis, surtout, toutes celles et tous ceux dont on vient de parler en partie, qui ne pouvaient pas s’arrêter et dont la population avait besoin. Evidemment, tous les personnels du secteur de la santé – soignants, non-soignants – et tout ce qu’il y a autour pour que l’hôpital fonctionne. On a beaucoup décrié les régimes spéciaux par exemple, heureusement que l’énergie est fournie en continu par les agents d’EDF.
Et puis, il y a toute la chaîne de l’alimentation, les services à la personne… FO, dès le début 2019 a lancé une campagne pour qu’on reconsidère tous les métiers des services à la personne ; qu’ils soient collectifs – dans les Ehpad, les hôpitaux, les cliniques – ou à domicile. Parce que ces métiers sont tout en bas de l’échelle, au Smic, à temps partiel souvent.
J’avais pris pour exemple celui d’un ingénieur financier qui est à 10 000 euros, voire peut-être plus, de salaire mensuel et qui ne pourrait pas exercer cette profession si personne ne s’occupait de ses enfants, de ses parents, de ses grands-parents voire même parfois de son ménage ou de son repassage. Or, ces salariés qui sont indispensables, eh bien ils sont tout en bas !
Je pense qu’il faut qu’on révise complétement cette échelle de valeurs. Je ne dis pas simplement de remonter le Smic de quelques points, mais qu’on reconsidère ces professions, qu’on les repositionne en termes de qualifications, de compétences, de reconnaissance et, évidemment, qu’on les repositionne dans l’échelle des rémunérations et des valeurs de cette société.
D’une manière plus générale, si vous voulez, c’est aussi la protection sociale, le service public, dont on ne parlait qu’en termes de coût, de dépense. J’ai horreur de ce terme de dépense publique. Eh bien qu’on renverse les priorités de ce point de vue.
Le jour d’après ?
Quand on est militant syndical, justement on se méfie des belles formules et des belles paroles. Le jour d’après c’est très sympathique, mais on sait que le jour d’après peut très vite redevenir comme avant. Il faut être très vigilant.
Si ce 1er mai devait, justement, avoir une utilité particulière dans ce contexte… j’ai fait une petite vidéo, parce qu’avec internet on peut s’adresser plus aisément au grand public, dans laquelle je dis, pour FO et d’une manière générale à titre syndical, à ceux qui nous écoutent : rejoignez-nous, nous serons plus forts !
Parce que cela fait plus d’un an, et bien avant même, que notre organisation syndicale alerte sur la situation de l’hôpital, alerte sur les projets de réforme ou de restructuration qui à chaque fois sont vus à l’aune du coût budgétaire et qui visent, par exemple, à des regroupements pour réduire le nombre de structures hospitalières, le nombre de lits…
Quand ça ne marche pas, qu’est-ce qu’on fait ? L’action syndicale a-t-elle atteint ses limites ?
L’action syndicale n’a pas atteint ses limites. Vous avez raison de souligner que dans les hôpitaux, bien évidemment, lorsqu’on appelle à la grève, on ne laisse pas tomber les patients. On reste à son poste. Donc évidemment, l’action syndicale est moins visible et c’est un peu là-dessus malheureusement, que jouent ceux qui nous gouvernent d’une certaine manière.
A celles et ceux qui applaudissent aujourd’hui, il faut dire que, pour s’assurer que l’après ne sera pas comme avant, le moment venu si nous ne sommes pas entendus, puisqu’on parle du 1er mai et de manifestations, eh bien pour se faire entendre, manifester c’est un droit essentiel associé à la liberté syndicale et à la capacité de se faire entendre. Que nous soyons des centaines et des centaines de milliers à dire qu’on ne veut plus que ça continue comme avant, et, oui, on révise complètement cette échelle de valeurs !
On parlait des personnels soignants, n’oublions pas tous les autres. Par exemple, vous aviez raison de souligner le statut d’employé municipal dans les pays nordiques, en Finlande, des aides à domicile. C’est la même problématique avec toute la sous-traitance, l’externalisation des entreprises de nettoyage de locaux, auxquelles on fait appel pour nettoyer et désinfecter les locaux. Ce sont des salariés qu’on ne voit pas. Ils interviennent avant l’ouverture des bureaux de l’entreprise et après, on ne les voit pas, ils sont en temps partiel, au Smic. Il faut corriger tout cela ! Il faut qu’on les revoie, qu’ils soient pleinement dans l’entreprise qu’ils ont la charge de nettoyer, qu’on les repositionne sur l’échelle des valeurs de la même façon. Et je pourrais parler de bien d’autres métiers.
Et cela vaut pour la protection sociale, pour les services à la personne, les services publics.
Il faut qu’on révise la façon de voir les choses. Ça n’est pas une dépense publique, les fonctionnaires ne se promènent pas avec une pancarte « je suis une dépense », ils sont essentiels à l’égalité ! Il faut que l’ensemble des citoyens se mobilisent et les salariés, d’une manière générale. Le moment venu, si nous ne sommes pas entendus notamment sur la question de l’hôpital, il faudra descendre dans la rue, que l’on soit ou non agent du secteur de l’hôpital ou de la santé de manière plus générale.
L’engagement syndical ?
Vous savez l’engagement syndical, on parlait du 1er mai, il a plus d’un siècle le 1er mai. On a conquis difficilement la journée de 8 heures, la semaine de 48 heures. On voit qu’aujourd’hui il faut qu’on se mobilise pour éviter que par ordonnances le gouvernement ne permette de déroger aux 48 heures qui avaient été obtenues en 1919 par le 1er mai. Ça ne s’arrête jamais ce combat !
C’est vrai qu’on a plus de mal aujourd’hui syndicalement, je le reconnais, quand les salariés sont dispersés, dans ces petits emplois à domicile, à temps partiel, précaires.
C’est plus compliqué de les associer à une action syndicale parce que les fins de mois sont la préoccupation du quotidien. Donc l’action syndicale est plus compliquée.
Il faut que nous-mêmes, nous soyons capables de faire comprendre à ces salariés, qu’ils viennent nous voir. Ils le font quand ils sont en grande difficulté mais c’est parfois trop tard.
Il faut qu’on soit capable de mieux organiser, d’y travailler. On y travaille, les uns, les autres, parce qu’il faut qu’on se regroupe. C’est l’action collective qui fonctionne, au bout du bout, quand nous ne sommes pas entendus.
Si on s’arrête parce qu’on se dit que c’est compliqué, eh bien on ne fait pas grand-chose.
Quand on est militant syndical, on est optimiste. On pense qu’on peut peser si on est nombreux, si on fait en sorte que le nombre l’emporte.
Je crois beaucoup à la force de la conviction, c’est-à-dire : défendre légitiment des revendications, des aspirations qui sont considérées comme justes, pertinentes, et puis convaincre le plus grand nombre.
C’est comme ça qu’on finit par se faire entendre. On n’a peut-être pas suffisamment convaincu sur le nombre, mais je constate que sur les retraites on a réussi à faire reculer, à plusieurs reprises, le gouvernement sur ce dossier-là, parce que nous avons manifesté, parfois à près d’un million dans la rue.