Dépendance : Pour FO, la prise en charge doit relever de la branche maladie
Deux projets de loi sur la dette sociale sont actuellement en cours de discussion à l’Assemblée nationale. Dans ce cadre, il est aussi question de créer une cinquième branche de la Sécurité sociale pour la prise en charge de la perte d’autonomie. La confédération FO qui refuse que le coût de la crise sanitaire soit endossé par la Sécu et donc largement supporté par les actifs et retraités, s’oppose à la création d’une cinquième branche. En revanche, elle revendique toujours la création d’un cinquième risque au sein de l’assurance-maladie. Cinquième branche
ou cinquième risque
, il ne s’agit pas d’une simple question de vocabulaire…
Le 27 mai dernier, deux projets de loi relatifs à la dette sociale (l’un organique, l’autre ordinaire) ont été présentés en Conseil des ministres par le ministre de la santé Olivier Véran et celui de l’Action et des comptes publics, Gérard Darmanin.
Les deux textes sont arrivés sur les bancs de l’Assemblée nationale, ce 8 juin, dans le cadre d’une procédure accélérée. Tard en soirée, les députés réunis en commission spéciale ont adopté une série d’amendements, approuvés par le gouvernement, qui prévoient notamment de modifier le Code de la Sécurité sociale pour y inscrire expressément la création d’une cinquième branche autonomie
qui s’ajouterait aux quatre branches déjà existantes (maladie, retraite, famille, accidents du travail).
Le coup d’accélérateur des députés
Le projet de loi amendé (qui toutefois doit encore passer le cap de l’examen en séance plénière le 15 juin prochain) prévoit en effet qu’un rapport du gouvernement soit remis au plus tard le 15 septembre 2020 sur les modalités de mise en œuvre d’un nouveau risque et d’une nouvelle branche de Sécurité sociale relatifs à la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées et des personnes en situation de handicap.
Ce rapport, est-il précisé, devra présenter les conséquences de la création de cette branche en termes d’architecture juridique et financière et en termes de pilotage, gouvernance et gestion de ce nouveau risque.
Le projet de loi initial présenté par le gouvernement n’allait pas aussi loin. Il prévoyait que le gouvernement remette un rapport au Parlement, au plus tard le 30 septembre, sur les conditions de création d’un nouveau risque ou une nouvelle branche de la Sécurité sociale relatifs à l’aide à l’autonomie des personnes âgées et des personnes en situation de handicap.
Ce rapport, stipulait le projet initial, devait préciser les conséquences pouvant et devant être tirées dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2021, notamment en ce qui concerne l’articulation des dépenses visant à faire face à la perte d’autonomie avec celles de l’assurance maladie.
La confédération FO a fait connaître son opposition à la création d’une nouvelle branche de la Sécurité sociale spécifiquement dédiée à la prise en charge de la dépendance, lors des consultations sur le projet de loi organique, organisées les 25 et 26 mai au sein de l’union des Caisses nationales de la Sécurité sociale (UCANSS) et de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).
Elle a rappelé aussi sa revendication que soit créé un cinquième risque
pris en charge par la branche assurance-maladie, à l’instar de la maladie, de la maternité, de l’invalidité et du décès.
Pourquoi FO revendique un risque dépendance au sein de la branche maladie
Pour FO, le risque dépendance fait partie d’un tout, la Sécurité sociale, et doit être intégré à la branche Maladie
a notamment déclaré Serge Legagnoa, secrétaire confédéral FO chargé de la protection sociale collective, soulignant que les dépenses liées à la dépendance sont déjà très largement financées par la Sécurité sociale, notamment la branche maladie.
Cette position, FO la défend depuis déjà plusieurs années, a également rappelé le secrétaire confédéral. Le débat n’est en effet pas nouveau, même si tout semble se mettre en place aujourd’hui pour en accélérer la conclusion.
Nous craignons que la création d’une branche spécifique pour la perte d’autonomie ne soit prétexte à mettre les retraités à l’écart du régime général d’assurance-maladie
, explique Didier Hotte, responsable de l’Union confédérale des retraités FO (UCR-FO).
Définie comme un état durable de la personne entraînant des incapacités pour réaliser les actes de la vie quotidienne, la perte d’autonomie peut survenir à tout âge et nous estimons qu’elle fait partie des aléas de la vie tout comme la maladie, l’invalidité, le décès ou les accidents du travail et les maladies professionnelles
, ont écrit l’UCR-FO et six autres organisations de retraités au ministre de la Santé Olivier Véran. Une branche supplémentaire, comme semble s’orienter la réflexion du gouvernement via un financement spécifique à part, stigmatiserait une partie de la population et fragiliserait son financement, alors qu’il s’agit d’un aléa de la vie
, ont-elles souligné dans leur lettre ouverte adressée au ministre le 5 juin.
Les organisations signataires estiment donc que la prise en charge de la perte d’autonomie, que ce soit au domicile ou en établissement, doit être du ressort de la Sécurité sociale en intégrant le “droit à l’autonomie“ dans la branche maladie de la Sécurité sociale.
Quid du financement?
Si la façon dont le gouvernement entend modifier l’architecture existante de la Sécurité sociale se précise rapidement, le financement de la prise en charge de la dépendance reste lui entouré d’un flou qui ne peut qu’alimenter les craintes.
Alors que plusieurs rapports officiels ont estimé les besoins à environ dix milliards d’euros entre aujourd’hui et 2030 et à 6-7 milliards à mi-parcours de cette échéance, le projet de loi organique n’annonce que 2,3 milliards d’euros et seulement à partir de 2024, sous la forme d’une affectation d’une partie de la CSG à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.
Cette question du financement de la prise en charge de la dépendance recoupe en réalité celle du financement de l’ensemble de la Sécurité sociale.
Pour FO, un véritable débat sur les recettes de la Sécurité sociale doit avoir lieu et ce afin de trouver des solutions pérennes pour les augmenter. La politique de désocialisation des entreprises et d’exonérations de cotisations des employeurs doit cesser
a notamment déclaré Serge Legagnoa le 25 mai à l’UCANSS.
De plus, FO refuse que la dette découlant de la crise sanitaire soit endossée par la Sécurité sociale, et donc très largement par les assurés sociaux, via la CSG et la CRDS (Contribution pour le remboursement de la dette sociale), comme l’annonce le projet de loi organique sur la dette sociale.
La confédération FO considère en effet que cette dette exceptionnelle incombe à l’État, ce qui renvoie là encore à une de ses revendications de longue date, à savoir de clarifier ce qui relève de la responsabilité de celui-ci, dans le cadre de la solidarité nationale, et ce qui relève de la Sécurité sociale.
EVELYNE SALAMERO, JOURNALISTE L’INFO MILITANTE Rubrique internationale