Dans le commerce, les salariés en première ligne
Dans le commerce, les salariés en première ligne
Depuis le 14 mars à minuit, la grande majorité de commerces a baissé le rideau jusqu’à nouvel ordre, exception faite de l’alimentation, des pharmacies, des banques ou des stations-service, secteurs considérés comme essentiels à la vie du pays. Pour FO, les mesures mises en place pour maintenir l’activité dans le contexte de la pandémie de Covid 19 doivent avant tout garantir la santé et la sécurité des salariés et des clients. Les fédérations appellent aussi à ne préserver que les secteurs réellement de première nécessité.
Le 14 mars, le Premier ministre, Édouard Philippe, avait annoncé la fermeture temporaire des lieux « non essentiels » à la vie de la Nation. Un premier arrêté évoquait le maintien des commerces alimentaires, pharmacies, banques, stations-services ou de distribution de la presse. Un second arrêté publié le 16 mars a donné des précisions et détaille les secteurs bénéficiant de dérogations. Peuvent notamment maintenir leur activité les garagistes, assureurs, cavistes, teinturiers, hôteliers, réparateurs d’ordinateurs….
Préserver la sécurité des salariés dans les commerces qui restent ouverts
Dans les commerces qui restent ouverts pour utilité publique, la priorité pour FO est avant tout d’assurer la santé des salariés, de leurs familles et des clients. « Les salariés de la distribution sont en première ligne pour assurer la continuité de l’activité et pour répondre aux besoins alimentaires de la Nation, alors même que les conditions de sécurité et de santé au travail ne sont pas complètement réunies », explique la FGTA-FO. Elle insiste également sur « le dévouement remarquable et le sens de la responsabilité » dont ces salariés font preuve, tant en magasins qu’en logistique, alors qu’ils « sont déjà au bord de l’épuisement physique et subissent un stress important. »
Dans la grande distribution, outre la mise en place des mesures-barrières pour les salariés en contact avec la clientèle et du matériel de protection en quantité suffisante, la FGTA-FO a fait connaître un certain nombre de revendications aux employeurs. Elle demande notamment des embauches pour compenser la surcharge de travail et les absences éventuelles. Elle exige un service de sécurité pour mesurer le flux des clients et faire face à certaines incivilités. Elle souhaite une organisation du travail avec des horaires décalés permettant aux salariés des rayons de limiter le contact avec les clients.
Elle demande aussi la suspension des services non-alimentaires n’ayant pas un caractère d’utilité publique et de prioriser les caisses automatiques par rapport aux caisses traditionnelles pour limiter les contacts. La fédération FO revendique par ailleurs la fermeture de tous les magasins à 20h maximum.
FO revendique une prime exceptionnelle dans l’agroalimentaire
Dans le secteur de l’artisanat alimentaire (boucherie, boulangerie, poissonnerie, etc.), la FGTA-FO rappelle que les entreprises sont souvent des TPE aux moyens plus limités que la grande distribution. Mais elle estime que « cela ne doit pas être un frein au strict respect des normes de sécurité. La santé des salariés et des clients en dépend. » Elle accompagnera les salariés dans l’exercice de leur droit de retrait s’ils estiment que leur protection n’est pas assurée.
Pour les salariés de l’agroalimentaire, très sollicités en ce moment de crise sanitaire, la FGTA encourage les syndicats à demander l’ouverture de négociations pour avoir « un retour financier par prime exceptionnelle ou tout autre élément de salaires pour compenser la forte charge de travail qui pèse actuellement sur leurs épaules ».
Les jardineries et animaleries sont autorisées à ouvrir pour vendre de l’alimentation et des fournitures pour les animaux. « Mais le week-end dernier, on a vu un monde fou dans les magasins acheter des transats, des barbecues, explique Pascal Saeyvoet, secrétaire fédéral en charge du secteur à la FGTA-FO. Il était impossible de faire respecter les gestes barrière ».
La FGTA-FO et les délégués centraux FO ont interpellé les employeurs et la branche (FNMJ) pour faire fermer tous les secteurs non concernés par la première nécessité (jardinerie, plantes, salons de jardin…) et faire remonter l’inquiétude des salariés sur leur manque de sécurité au travail. Après consultations des instances, seuls les magasins vendant des produits d’alimentation et des fournitures animales sont autorisés à ouvrir, et seulement pour vendre ces catégories de produits.
Certaines enseignes comme Truffaut ont préféré fermer les magasins. D’autres, comme Botanic, font appel au volontariat.
Ne recevoir dans les banques que les cas les plus urgents
Les banques font également partie des établissements autorisés à poursuivre leur activité. « Mais cela ne doit se faire que si la santé des salariés est garantie », insiste Mireille Herriberry, responsable FO banques et sociétés financières. Les représentants FO ont interpellé les responsables à plusieurs reprises pour demander que des mesures soient prises rapidement afin de protéger les salariés en contact direct avec les clients. « Les employeurs partent du principe qu’avoir accès à un point d’eau et du savon suffit à les mettre en règle avec la législation », dénonce-t-elle. La militante demande également que les missions « essentielles à la vie de la Nation » des banques soient clarifiées pour le maintien des ouvertures de réseaux.
Mireille Herriberry demande la fermeture des agences au public. « On souhaite un premier contact par téléphone, suivi si besoin d’un rendez-vous physique mais qu’il soit prévu, et seulement pour les situations les plus urgentes, poursuit-elle. Pour l’instant, la profession refuse de se positionner sur l’adoption de positions communes dans le secteur bancaire. »
Elle dénonce également les pressions exercées par certaines directions intermédiaires qui prétendent que le droit de retrait n’est pas autorisé dans le secteur et menacent les salariés de leur prendre des jours de congés. Pour rappel, seul un juge est habilité à trancher la question de la légitimité du droit de retrait.
Chômage partiel dans les commerces fermés
Dans les commerces fermés sur décision du gouvernement, beaucoup de salariés sont au chômage partiel. Pour le mettre en place, la consultation des instances représentatives du personnel est obligatoire et des CSE extraordinaires ont été organisés. La loi prévoit une indemnisation des salariés à hauteur de 70% du salaire brut soit 84% du salaire net. FO revendique une prise en charge des 16% restants par l’employeur ou l’État pour éviter une perte de salaire.
Ce serait le cas chez Ikéa ou Boulanger, mais pas aux Galeries Lafayette, qui a lancé la procédure d’activité partielle à compter du 15 mars. Un CSE extraordinaire s’est tenu le 17 mars.
« L’employeur applique juste ce que la loi impose, il a refusé de prendre en charge le différentiel en expliquant qu’aucun chiffre d’affaires ne rentrait, dénonce Michelle Millepied, déléguée FO à Marseille, membre du CSE central et secrétaire générale FO commerce des Bouches du Rhône. Pour les employés avec un salaire déjà proche du Smic, ça ne changera pas grand-chose car le Smic est garanti. Mais un souci se pose pour les cadres. » Pour maintenir leur salaire, la direction a proposé aux salariés concernés de poser des congés ou de piocher dans leurs heures de récupération.
« Je me fais énormément de soucis pour nos emplois, poursuit Michelle Millepied, qui garde le contact par mail avec les salariés. A Marseille, nous perdions déjà beaucoup d’argent avant cette crise. Aujourd’hui, dans l’urgence, on se retrouve avec un salaire. Mais le problème va se poser quand l’activité reprendra. »
Logistique à l’arrêt chez C&A
Certains magasins ont baissé le rideau mais l’enseigne conserve une activité logistique, dans des conditions parfois inadmissibles en matière de sécurité. Chez C&A, où des salariés continuaient de gérer des livraisons venues d’Allemagne, FO est intervenue pour faire cesser l’activité logistique le 18 mars. « A part un mètre d’écart entre les salariés, les conditions de travail n’étaient pas correctes, dénonce Maria Rodrigues, déléguée centrale FO dans l’enseigne. Il n’y avait ni gel hydro-alcoolique ni lingettes pour désinfecter les tire palettes. »
Sans mesures de protection efficaces pour les salariés, elle avait prévenu la veille la direction que les salariés exerceraient leur droit de retrait. « Après un combat, la direction a annoncé l’arrêt de l’activité et la tenue d’un CSE central extraordinaire, poursuit-elle. Le chômage partiel est instauré jusqu’au 31 mars pour l’instant. »
A La Redoute, FO a déposé le 19 mars un droit de retrait pour le Quai 30, entrepôt de prêt-à-porter situé à Watrelos (Nord), alors que le siège de l’entreprise est fermé. Un CSE extraordinaire devait se tenir en fin de journée.
D’autres enseignes de vêtements ou de loisirs poursuivent la vente par correspondance, et envoient force mails à leur clientèle en proposant qui des prix bradés, qui la livraison gratuite… Boulanger par exemple assure un « service minimum de livraison » et le respect de « mesures-barrières » d’hygiène strictes. La Fnac et Darty proposent aussi la vente en ligne avec possibilité de livraison gratuite. Reste à voir si le transport va suivre…
La Poste assure maintenir ses services « essentiels » avec quelques bureaux ouverts, mais des facteurs font valeur leur droit de retrait partout en France. Quant à Mondial Relay, il a suspendu ses services le 16 mars. FO Transports a également demandé le 16 mars l’arrêt des transports non essentiels en France.
Chez Amazon, le profit avant tout
« On n’a pas le droit de faire de footing à deux, mais faire travailler 2500 personnes dans un entrepôt sans protection pour engraisser les actionnaires, ça on peut, c’est aberrant » lance Christophe Bocquet, délégué FO à l’entrepôt Amazon Lil1 dans le Nord.
Chez Amazon dont l’activité a explosé avec les mesures de confinement, un appel à un débrayage a été lancé sur tous les sites le 18 mars à l’appel d’une intersyndicale FO, CGT, CFDT, Sud, CAT et Usid. Leurs revendications : « au minimum de travailler en sécurité maximale et au maximum de fermer le site pendant 15 jours pour respecter la recommandation du confinement ».
Pour Christophe Boccquet, les mesures minimales de protection ne sont pas assurées pour les salariés. Sur son site, qui emploie entre 2500 et 3000 salariés, il évoque le manque de gel hydro-alcoolique et de lingettes pour nettoyer le matériel, ainsi qu’un déficit d’information du personnel.
« Chez les salariés c’est la panique générale, poursuit-il. Ils ne peuvent pas toujours être éloignés les uns des autres. Pour éviter les regroupements, les portiques de sécurité sont ouverts, mais tout le monde doit badger en même temps, donc ça crée des attroupements. Et de toutes façons, il y a énormément de passage. » Pour faire face à la hausse d’activité, les recrutements d’intérimaires se poursuivent : 80 le week-end dernier, 150 cette semaine. « On doit les former et pour ça, on ne peut pas toujours respecter la distance d’un mètre », ajoute Christophe Bocquet.
Le 16 mars au soir, l’intersyndicale avait lancé un droit de retrait général pour danger grave et imminent. « Le lendemain matin, la direction a dit qu’elle ne le validait pas et que les salariés qui exerçaient leur droit de retrait ne seraient pas payés, dénonce le délégué FO. Le droit de retrait se conteste en justice, un employeur n’a pas son mot à dire. Mais par peur de se retrouver sans salaire, beaucoup ont repris le travail la peur au ventre. » Le 19 mars sur France Inter, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a estimé que les pressions exercées par Amazon sur les salariés étaient « inacceptables » et qu’il le ferait savoir à l’entreprise.